Commissaire aux apports : rôle, mission, processus

Mélanie P.
Mélanie P.
Rédactrice chez Visio Conseils Pro
Mis à jour le 13/03/2024
Commissaire aux apports : rôle, mission, processus
Le commissaire aux apports est une figure centrale dans le paysage de la création et du développement des sociétés. Chargé d'évaluer la valeur des apports en nature lors de la constitution d'une société ou lors de moments clés tels que des augmentations de capital, sa mission est cruciale pour garantir une équité et transparence absolues entre les parties prenantes. Cet article détaille le rôle, la nomination, et le processus d'intervention du commissaire aux apports, offrant une vue d'ensemble sur cette profession réglementée et son importance dans le monde des affaires.

Sommaire

Quel est le rôle du commissaire aux apports et comment peut-on le définir ?

Un commissaire aux apports (CAA) est un professionnel indépendant et externe à la société qui est inscrit parmi la liste des professionnels en activité figurant à la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC).

Le CAA est nommé à l’unanimité des associés ou à défaut, sous certaines conditions par le greffe du tribunal de commerce, sur requête du représentant légal.

Sa nomination est obligatoire dans les sociétés de types SA et SAS, dès le premier apport en nature, sauf cas exceptionnels (selon les articles L 225-14 et L 225-147 du Code de commerce et loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016). 

Sa nomination est également obligatoire dans les SARL (sous certaines conditions) dès la constitution de l’entreprise ou en cours de vie sociale (lors d’une augmentation de capital, une scission ou une fusion, ou des apports partiels d’actifs).          

Le rôle principal du CAA est d’apprécier la valeur des apports en nature ou un numéraire qui constituent le capital social, c’est-à-dire la valeur des biens corporels et incorporels apportés à la société.    

  Attention : Il doit donc s'assurer que ces apports sont réalisés conformément aux dispositions prévues par les statuts de la société et que les apporteurs soient correctement informés des conséquences de ces apports.

Le commissariat aux apports joue donc un rôle important dans la création et le fonctionnement d'une société, car il permet de garantir la transparence et la régularité des apports effectués par les sociétaires.

Comment se déroule une mission de commissariat aux apports ?

Étape n°1 : Prise de connaissance de l’entité et des objectifs de la mission

Dans un premier temps, le commissaire aux comptes (CAC) va réaliser une prise de connaissance de l’entité et de l’opération afin d’établir une lettre de mission.

Cette lettre de mission s’articule en huit points. Avec tout d’abord l’opération envisagée (point n°1)

Dans cette sous partie, il faut que le CAC synthétise le contexte et l’opération envisagée.

  Exemple : Dans l’exemple fil rouge, il s’agit d’évaluer le montant de l’apport des titres d’une SASU, détenue à 100% par une personne physique, à une EURL détenu à 100% par la même personne physique.

Puis, le CAC évoque dans le second point la nature et les objectifs de la mission (point n°2). Concrètement, la mission consiste, selon la doctrine professionnelle de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes, à mettre en œuvre de diligences afin d’apprécier la valeur des apports et de vérifier si cet apport n’est pas surévalué (dans notre cas les titres de la SASU).

Ensuite, dans la troisième partie, le CAC exprime les limites de sa mission (point n°3). Cette mission spécifique de commissariat aux apports est une mission, prévue par la loi, qui ne relève ni d’une mission d’audit ni d’une mission d’examen limité. 

Il est important de noter que cette mission est ponctuelle et prend fin avec le dépôt du rapport. 

De plus, il est important de rappeler que le CAC n’a pas à s’assurer d’un suivi des évènements survenus éventuellement entre la date du rapport et la date de l’assemblée générale extraordinaire appelée à se prononcer sur l’opération.

Dans le point n°4, il est question de l’établissement du rapport. Il est donc essentiel que le client délivre une lettre d’affirmation notamment sur l’absence de survenance, jusqu’à la date du rapport, de faits ou d’évènements susceptibles d’affecter, de manière significative, la valeur des apports.

Le point n°5 concerne les honoraires de la mission qui sont facturés selon le principe du temps passé et sont fonction du taux de vacations selon le niveau d’expérience des différents intervenants.

Néanmoins, il est bien stipulé dans cette lettre de mission que ce budget d’honoraires suppose la collaboration active des différents intervenants internes et externes dans la préparation et la remise des pièces demandées dans les délais souhaités.

Le point n°6 évoque le calendrier et les éventuels intervenants de la mission. 

Le point n°7 concerne le volet de la responsabilité dans ces missions.


Ce point est essentiel car, dans le cas où la responsabilité du CAC est mise en cause en raison d’une faute commise dans l’exercice de sa mission et, si cette faute provient d’informations incomplètes, inexactes ou inappropriées qu’auraient transmises le client.   Alors ce dernier sera engagé à indemniser tous les préjudices, y compris condamnations et transactions, débours et temps passés, que le CAC pourrait subir.

  À noter : La responsabilité civile professionnelle au titre de la lettre de mission est limitée contractuellement aux honoraires perçus. Le délai de prescription au titre de la lettre de mission est fixé contractuellement à un an.

Le dernier point concerne l’acceptation de la mission (point n°8). Le client va donc signer s’il est d’accord pour accepter cette mission selon les huit points articulés ci-dessus.

Étape n°2 :  Collecte des pièces nécessaires au commissariat aux apports 

Pour rédiger le rapport, il est bien entendu nécessaire d’obtenir le maximum de pièces sur le dossier, notamment une situation comptable à la date la plus proche de l’opération projetée ainsi que les deux derniers bilans.

Le commissaire aux apports, lorsqu'il prépare son dossier de travail, y inclut la lettre de mission signée par le client ainsi que la lettre d'affirmation.

Cette lettre d’affirmation, comme évoquée précédemment, est essentielle dans la démarche du CAA. Car les dirigeants de l’entreprise auditée attestent avoir communiqué au CAC l’ensemble des éléments significatifs. Cette déclaration a donc pour but de faire prendre conscience aux dirigeants que la présentation des comptes ressort de leur responsabilité.

De ce fait, sans lettre d’affirmation et sans lettre de mission signée, le CAA n’intervient pas dans le dossier.

Par la suite, après avoir échangé avec le dirigeant, le CAA dresse une liste de documents nécessaire afin d’effectuer sa mission, notamment :

  • Le PV de nomination,
  • Un k-bis de moins de 3 mois,
  • L’état des privilèges et des nantissements,
  • Le projet de contrat d’apport,
  • Les relevés bancaires post clôture, 
  • La copie du contrôle Urssaf,
  • Les bulletins de salaires du dirigeant
  • Copie du PV d’AGO du dernier exercice
  • Projet des nouveaux statuts,
  • Copie du contrôle TVA 
  • La liste des contrats récurrents avec des clients,
  • Concernant les salariés étrangers employés : copie des autorisations de travail.

L’élaboration de la lettre de mission, la collecte des pièces nécessaires à l’étude du dossier ainsi que la lettre d’affirmation doivent être mise en place avant toute étude de valorisation des apports.

Comment se déroule le processus d'établissement du rapport et d'appréciation des apports ?

Pour illustrer une mission de commissariat aux apports de manière simple, l'exemple cas fil rouge a été repris.

Comment présenter l’opération et comment sont décrits les apports par le commissaire aux apports ?

Après avoir analysé l’ensemble du dossier et collecter les informations nécessaires sur le fonctionnement de l’entreprise (secteur d’activité, positionnement, concurrents) le CAA va synthétiser l’opération.

Pour cet exemple, il est nécessaire d’apprécier la valeur de l’apport en nature de 200 actions appartenant à M.X représentant 100% des titres de la société apporteuse dans le cadre de la création de l’EURL X, résumé dans le schéma ci-dessous : 

Schéma appoorts du commissaire aux apports

 

SOCIÉTÉ BÉNÉFICIAIRE APPORTEUR
DÉTENUE A 100% PAR M.X DÉTENUE A 100% PAR M.X
  CAPITAL : 2000 euros
  200 actions ordinaires à 10 euros unitaires

L’objectif du CAA est donc de s’assurer qu’il n’y a pas de surévaluation des apports.

Quelles sont les diligences effectuées et comment la valeur des apports est-elle appréciée dans ce processus ?

Afin d’apprécier la valeur de la SASU Y, le CAA peut s’appuyer sur les travaux du cabinet d’expert-comptable. Dans le cas en espèce, voici une synthèse de ces travaux.

Tableau des chiffres clés de la société :

Pondération des moyennes  Valeur 2021 2022
Chiffre d'affaires moyen 863439 858131 868747
EBE moyen 53798 77824 29772
Résultat d'exploitation moyen 48265 73302 23228
Bénéfice moyen 35374 53676 17073
MBA moyenne 43090 61107 25073
Pondération du calcul des moyennes   1 1

Synthèse des principales méthodes de calcul retenues par l’expert-comptable :

Valeur patrimoniale

Valeur patrimoniale Valeur
Capitaux propres  48 065
+Plus-values de la clientèle 35 374
+Moins-values des immo corporelles - 22 343
+Correction du bilan N 0
Résultat de la méthode 61 096

La valeur patrimoniale correspond à une valeur plancher de l’entreprise. Avec cette méthode, on obtient une valorisation de la structure à 61 096 euros

Valeur de productivité

Valeur de productivité Valeur
Bénéfice moyen 35374
% Taux de capitalisation 16%
Résultat de la méthode 221 088

La valeur de la productivité est calculée en capitalisant le bénéfice net moyen à un taux distinct d’un taux de placement sans risque. Plus le risque est élevé, plus le taux de capitalisation sera élevé. Avec cette méthode, on obtient une valorisation de la société cible à 221 088 euros.

Capitalisation du bénéfice moyen

Capitalisation du bénéfice net moyen Valeur
Bénéfice moyen 35 374
x Coefficient de rendement 6 ans
Résultat de la méthode 212 244

Le coefficient retenu détermine le rendement désiré par un investisseur qui doit tenir compte du risque lié à la qualité tant de l’entreprise que du secteur économique. Avec l’hypothèse retenue, on obtient une valorisation à 212 244 euros.

Capitalisation de l’EBE corrigé

Capitalisation de l'EBE corrigé Valeur
EBE moyen 53 798
x Coefficient 3,75 ans
- Endettement à long terme 0
+ Trésorerie excédentaire 0
Résultat de la méthode 201 742

La valeur de l’entreprise est déterminée en fonction de la rentabilité d’exploitation en tenant compte du nombre d’années, sous déduction de l’endettement restant. Avec cette méthode, la valorisation obtenue est de 201 742 euros

Capitalisation de la MBA moyenne

Capitalisation de la MBA moyenne Valeur
MBA moyenne 43 090
x Coefficient  5 ans
Résultat de la méthode 215 450

Les ressources dégagées par l’entreprise sont multipliées par un nombre d’années, le plus souvent en relation avec les durées des financements. Avec cette méthode, la valorisation obtenue est de 215 450 euros

En conclusion de ce rapport, l’expert-comptable a fourni une fourchette d’estimation de la valeur de la société comprise entre 156 000 euros et 204 000 euros.

Puis, l’expert-comptable a préparé le contrat d’apport avec une valorisation déterminée à 190 000 euros. Valorisation acceptée par le client, M.X. 

À ce niveau, le rôle du commissaire aux apports est d’effectuer sa propre opinion sur cette valorisation. 

  À retenir : Le CAA va alors tester les méthodes indiquées par l’expert-comptable.
Puis effectuer une autre approche de valorisation.

Dans le cas en espèce le CAA s’appuie sur le fait que la société a réalisé sur les 9 premiers mois de l’année X, un CA HT de 614 710 euros pour un résultat d’exploitation de 49 920 euros.

Ce résultat est projeté sur 12 mois. Puis est neutralisé la rémunération du dirigeant afin d’obtenir la valeur du fonds de commerce, soit un montant de 140 000 euros.

Dans l’exemple, le CAA ne dispose pas d’éléments de comparaison dans ce secteur d’activité, c’est pourquoi il a volontairement pondéré la valeur d’exploitation à une année. 
Puis, l’a majoré des capitaux propres.

Il obtient alors une valeur sensiblement supérieure à la valorisation communiquée par l’expert- comptable soit 204 618 euros.

Le CAA peut alors confirmer que l’apport n’est pas surévalué.

La valorisation globale retenue entre les parties repose sur des approches d’évaluation fondées :

  • sur la valeur globale de la SASU Y.
  • et la rentabilité de cette même entreprise.

Il convient de préciser que ces valorisations ne peuvent être retenues que dans le contexte bien spécifique de cette opération, à un moment où chacune des deux entités, trouvent dans ce rapprochement les conditions de poursuite de sa stratégie dans un objectif partagé.

Schéma récapitulatif de l’apport

Exemple apport commissaire aux apports

SOCIÉTÉ BÉNÉFICIAIRE APPORTEUR
À reverser à M.X : 19 000 parts sociales à 10e unitaires Valeur apport : 190 000 euros

 

  À retenir : Cet apport porte sur les actions représentant 100 % du capital de la SASU Y.

Les actions émises et à émettre de la SASU Y sont donc apportées pour une valeur totale de 190 000 euros (950 euros par action).

Le droit de recevoir 19 000 parts sociales d’une valeur de 10e chacune à émettre dans le cadre de la constitution de cette société uniquement sous la condition de réalisation effective de cet apport.

Quelles sont les diligences mises en place ?

Suite au contrôle de la valeur des apports, le commissaire aux apports doit énoncer dans son rapport les différentes diligences qu’il a mises en place.

Voici un exemple de liste de diligences à intégrer dans un rapport dans la section :  diligences et appréciation de la valeur des apports :

« J’ai effectué les diligences que j’ai estimées nécessaires conformément à la doctrine de la Compagnie nationale des CAC applicables à cette mission.

J’ai effectué les diligences que j’ai estimées nécessaires, par référence à la doctrine professionnelle de compagnie des CAC relative à cette mission afin de :

  • contrôler la réalité de l’apport
  • analyser et contrôler la valeur de l’apport
  • vérifier jusqu’à la date d’émission du présent rapport, l’absence de faits ou d’évènements susceptibles de remettre en cause la valeur de l’apport

J’ai en particulier effectué les travaux suivants :

  • Je me suis entretenu avec le dirigeant et de l’expert-comptable de la société concernée pour comprendre l’opération envisagée et le contexte dans lequel elle se situe
  • J’ai pris connaissance et analysé les divers actes et contrats juridiques sous tendant l’opération,
  • J’ai pris connaissance et analysé le contrat d’apport et j’ai examiné les modalités juridiques de l’opération
  • J’ai pris connaissance et analysé les documents de travail justifiant les valorisations,

Je me suis fait valider les hypothèses de travail et le contexte de l’opération tels que décrits ci-dessous,

Je me suis assuré de la pleine propriété des titres apportés en me faisant confirmer notamment l’absence de tout gage, privilège ou nantissement susceptible d’entraver leur libre cessibilité,

Enfin, j’ai effectué les travaux complémentaires qui m’ont paru nécessaires dans le cadre de l’appréciation de la valeur des apports.

Je me suis fait communiquer les comptes bancaires des mois de septembre X à novembre X. ».

  À noter : Il est important de se faire communiquer les derniers éléments financiers après l’arrêté des comptes provisoires afin de s’assurer que la société n’est pas en difficulté financière.
Dans cette éventualité, le commissaire aux apports pourrait être amené à produire un rapport négatif. 

Toutefois, les dirigeants peuvent refuser le rapport du CAC, mais ils s’exposent à être responsable de cet apport vis-à-vis des tiers (pendant 5 ans).

Dans la suite du rapport, le commissaire aux apports indique la synthèse du dossier et les points clés.

Dans le cas en espèce, des diligences ont été entreprises pour évaluer la valeur de la société. De plus, le projet de contrat d’apport et les divers documents juridiques liés à l’opération ont été examinés.

La valorisation des apports repose sur une valorisation utilisée en fonction de la rentabilité d’exploitation et du niveau des capitaux propres.

Enfin, pour finaliser un rapport de CAA, il faut conclure de manière succincte sur l’appréciation de la valorisation de l’apport.

Dans le cas fil rouge, il est conclu que la valeur des apports retenue s’élevant à 190 000 euros n’est pas surévaluée et en conséquence que l’actif net apporté est au moins égal au montant de l’émission de capital de la société bénéficiaire. 

Conclusion

La démarche du commissariat aux apports commence par la prise de connaissance de l’entité, de son activé, de l’équipe de direction ainsi que le secteur dans lequel elle évolue. 

Le CAA va identifier les objectifs liés à sa nomination afin d’établir une lettre de mission.

Par la suite, il va collecter des d’informations nécessaires à sa mission pour constituer son dossier de travail.

Après la mise en place d’un certain nombre de diligences, le commissaire aux apports apprécie donc si la valeur de l’apport n’est pas surévaluée. Et, il conclut en remettant son rapport au client.

Dans une mission de commissariat aux apports, il est donc crucial de garantir l'impartialité, l'indépendance et la fiabilité de l’évaluation, pour garantir que les actionnaires reçoivent une juste contrepartie pour leur investissement. 

Cela nécessite donc une méthodologie rigoureuse, des normes professionnelles strictes et une communication transparente avec les actionnaires et les organes de la société.

Par ailleurs, la méthodologie utilisée pour apprécier l’évaluation des actifs apportés, doit être adaptée à chaque cas et tenir compte des spécificités de chaque actif. Il est important de mettre en place des procédures de contrôle de qualité pour garantir la fiabilité des évaluations. 

Le Commissaire aux apports respecte donc une démarche avant d’arriver à la restitution de son rapport. Mais il doit tout de même s’adapter à toutes situations en mettant en place des diligences en adéquation à la situation.

Sources

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